Queer pour en finir avec la femme.
Ni homme, ni femme, ni lesbienne, ni transsexuelle, Beatriz Preciado se définit comme un "consquitador sans bite". Cette disciple de Jacques Derrida, chercheuse à l'université de Princeton, a écrit l'un des libres les plus décapants de la dernière décennie.
Testo junkie relate son expérience philosophico-loléculaire ; pendant 236 jours et nuits, elle s'est administrée des doses de Testogel, médicament réservé aux hommes qui souffrent d'un déficit de testostérone " Je ne prends pas de la testostérone pour me tansformeren homme, ni pour transsexualiser mon corps, précise-t-elle, mais pour trahir ce que la société a voulu faire de moi, pour écrire, pour baiser, pour ressentir une forme de plaisir postpornographique."
Transgressive et troublante, elle philosophe avec son corps et ses hormones. Au passage, elle dynamite les catégories hommes/femmes ou Hoto/hétéro, construction sociales dont il faudrait faire le deuil. En lieu et place de ces identités assignées par la nature ou l'état civile, elle prône la reconnaissance d'une multiplicité de pratiques, de désirs et de sensibilités.
Sa "politique des multitudes queer" s'inscrit dans le cadre d'une analyse plus globale de la "société pharmaco-pornographique" actuelle, où déferlent simultanément images porno et substances chimiques (viagra, pilules contraceptives, prozac, etc...). Un monde où comencent à émerger de nouveaux corps, hommes sans pénis, femmes à testicules, "gouines-bouchères" et "pédé coiffeuses", cyborgs...
Comme Judith Butler, théoricienne des gender studies, Beatriz Preciado considère donc que le féminisme est dans l'impasse puisqu'il emprisonne les femmes dans une identité sexuée. Comme Virginie Despentes, l'auteure de Baise-moi ! et de King Kong qui fut son amante, elle dévoile les coulisses d'une hypermodernité porno-punk et psychotropique. Complètement déjantée ou ultralucide, sordide ou exaltante, elle s'impose en tout cas comme une nouvelle maîtresse du genre.